Pour un numérique émancipateur, durable et désirable

D’ici quelques jours, les citoyen·nes français·es seront amené·e·s à voter pour le renouvellement de l’Assemblée nationale, dans un contexte politique où l’extrême-droite apparaît aux portes du pouvoir. Alors que notre association reste habituellement en dehors des formes classiques du plaidoyer, nous prenons aujourd’hui la parole afin de pointer les risques majeurs qu’une politique d’extrême-droite fait peser sur les secteurs sur lesquels nous travaillons et développons une expertise : les technologies numériques, mais également les enjeux environnementaux et les libertés associatives. 

Par ce texte, nous nous adressons à vous, professionnel·les du numérique, car la situation politique est à un point de bascule, et les technologies sur lesquelles nous travaillons y jouent un rôle déterminant.

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Un futur numérique désirable et soutenable

Il nous semble, en préambule, essentiel de rappeler quelles valeurs notre espace numérique doit embarquer dans son développement, des valeurs en adéquation avec celle de notre démocratie. 

  • Un numérique qui permette au plus grand nombre de gagner en autonomie, d’être et de rester inclus dans notre société et de ne pas dépendre de plateformes hégémoniques.
  • Un numérique sobre et soutenable au plan environnemental, conscient des enjeux majeurs liés à l’extraction de minerais pour la fabrication de nos terminaux (exploitation de minerais de guerre, pollution des sols…), ainsi que la surconsommation d'énergies et de ressources nécessaires à certaines technologies comme l’intelligence artificielle, le métavers ou les crypto-monnaies. 
  • Un numérique prêt à jouer un rôle dans la construction d’un monde progressiste, démocratique, égalitaire et respectueux des libertés.

Le risque d’un numérique panoptique et libertarien

Si le volet numérique du programme du Rassemblement National apparaît peu détaillé et principalement orienté autour d’une vision protectionniste de l’industrie numérique - ironique de la part d’un parti qui communique largement sur Tiktok -, il nous semble que les précédents internationaux de gouvernements ou d’acteurs économiques affichant une position d’extrême-droite vont à l’exact opposé des valeurs d’un numérique souhaitable. 

  • Nous pouvons déjà voir l’impact du libertarianisme d’extrême-droite sur un réseau social comme Twitter-X depuis son rachat par Elon Musk. L’extrême-droite y prospère aisément. L’absence de modération y est patente, la prime est donnée aux propos polarisants, outranciers et à ceux qui paient pour voir leur contenu mis en avant. Les propos progressistes et constructifs y sont rapidement invisibilisés par des torrents de messages sans intérêts. En ce sens, le Twitter des années 2010, support de veille et de débats est bien loin. 
  • Autre cas d’étude : l’enjeu crucial de la neutralité du net (c’est-à-dire l’interdiction à privilégier des applications et sites spécifiques dans les abonnements Internet). Ce principe essentiel à un numérique varié et diversifié en acteurs et contenus a été balayé par l’administration Trump à son arrivée au pouvoir (et heureusement rétabli depuis) et témoigne du peu d’intérêt des partis de droite radicale et d’extrême-droite pour le pluralisme de l’information. 
  • Des organisations comme la Quadrature du Net ont déjà montré à quel point de nombreuses lois récentes permettent une surveillance algorithmique de la population, notamment dans le cadre d’expérimentations pour les JO 2024, mais aussi dans le quotidien des allocataires de la CAF. Avec l’extrême-droite au pouvoir, c’est l’assurance que l’usage du numérique à des fins sécuritaires et de stigmatisation sera pérennisé et amplifié. Les exemples de régimes illibéraux d’extrême-droite ailleurs dans le monde nous montrent comme cette surveillance, puis cette répression s'exerce en priorité sur les opposants, les plus démunis et les minorités.  
  • Enfin, rappelons que l’extrême-droite est adepte d’un techno-solutionnisme débridé. Une forme de pensée magique considérant la technologie comme à-même de résoudre tous les problèmes de nos sociétés, qui se fait au détriment de politiques sérieuses sur les enjeux environnementaux.

Un monde associatif mis au pas

Profitons de cette prise de parole pour aborder un autre sujet d’importance pour nous : celui des libertés associatives. Nous contribuons à un écosystème associatif souvent réduit à sa dimension militante alors qu’il cherche à explorer d’autres modèles de société et d’entrepreneuriat.

Depuis plusieurs années, ce monde associatif subit déjà les assauts des politiques réactionnaires et populistes limitant les libertés associatives. Le contrat d’engagement républicain en est l’exemple le plus évident, contraignant la capacité d’expérimentation sociale d’un secteur traditionnellement à la pointe de ce sujet. Rappelons que sans les mobilisations associatives, de nombreux droits sociaux n’existeraient tout simplement pas : droits des femmes, des LGBT, défense des animaux… Des organisations et mouvements comme Alternatiba Poitiers ou les Soulèvements de la terre ont dû aller en justice pour faire respecter leurs droits.

Comme d’autres organisations associatives, nous craignons une mise au pas de notre secteur. L'extrême-droite parle, aujourd’hui, de dissoudre les associations de « l'ultra-gauche ». Il nous semble bien qu’il s’agit ici d’une atteinte inacceptable aux libertés associatives et à la liberté d’expression constitutives de notre démocratie. À terme, cela induit également une mise sous surveillance ou une restriction de l’action des organisations financeuses du monde associatif.

L’heure du choix est là

Si le 8 juillet matin, nous - professionnels du numérique - ne voulons pas avoir à nous retrouver face à des cas de consciences majeurs, où que nous travaillions - dans le public, le privé, le secteur associatif - il nous semble important de nous mobiliser aujourd’hui contre l’arrivée de l’extrême-droite au pouvoir. 

Luttons ensemble contre l’extrême droite et ses politiques liberticides, inégalitaires, climaticides... l’heure du choix est là !